Maximiser son impact grâce à la franchise sociale

Forme de réplication prometteuse parmi les différentes stratégies de changement d’échelle, la franchise sociale permet à une organisation de l’Économie Sociale et Solidaire de se déployer sur de nouveaux territoires dans l’objectif d’avoir un impact plus large et de toucher un nombre conséquent de bénéficiaires. Pourquoi et comment miser sur le développement en franchise sociale ?

Retour sur une conférence en tandem avec Handirect et l’Accélérateur HEC, organisée par Les Canaux, le 13 janvier dernier. Handirect est le premier et seul réseau d’entreprises adaptées qui s’est constitué en franchise en France. L’Accélérateur HEC accompagne vers la réussite les dirigeants de l’ESS qui souhaitent démultiplier leur impact et être plus résilients face à la crise.

L’Entreprise Adaptée, qu’est-ce que c’est ?

Née avec la loi du 11 février 2005 (Article 38), une entreprise adaptée permet à des personnes en situation de handicap d’accéder à un emploi dans des conditions adaptées à leurs capacités. Elle doit employer au minimum 80% de salariés en situation de handicap

Au niveau du statut, l’entreprise adaptée fonctionne comme une entreprise à part entière et ses salariés ont un statut de droit commun. Elle est soumise aux mêmes contraintes de rentabilité et de compétitivité économique que les autres entreprises du secteur privé. En plus d’être une entreprise adaptée, Handirect a obtenu l’agrément ESUS (Entreprise solidaire d’utilité sociale) en 2019. Elle s’inscrit donc, de fait, au sein de l’Économie Sociale et Solidaire.

Les dispositions actuelles en matière de législation engagent les entreprises de plus de vingt salariés et inscrites sur leur territoire depuis au moins trois ans, à embaucher un minimum de 6 % de personnels handicapés (article L5212-6 du Code du Travail). 

La franchise au service de la maximisation de l’impact

Le concept de franchise sociale s’apparente à celui de la franchise commerciale, à la différence qu’il vise à servir les aspirations des entreprises collectives et des organisations à vocation sociale plutôt qu’à générer des profits.

La franchise sociale intègre dans son fonctionnement des valeurs de coopération, de solidarité et d’équité. Elle s’appuie sur des mécanismes de mutualisation qui renforcent les entreprises partenaires et augmentent la portée de leurs actions. Ainsi, l’idée est que les organisations concernées par la franchise sociale puissent maximiser leurs retombées positives sur la société en unissant leurs ressources autour d’un modèle éprouvé.

Certains avantages à constituer une franchise peuvent être les suivants : 

  • Économiser le temps et les investissements financiers liés au développement d’un nouveau modèle et, ainsi, se décharger de certaines erreurs.
  • Se développer dans de nouvelles zones géographiques.
  • Travailler avec des entrepreneurs, qui adhèrent au concept et se saisissent des infrastructures existantes (site internet, base de données). Cela permet notamment de challenger son modèle et de le remettre en question régulièrement.

Évidemment, il existe d’autres formes d’essaimages possibles, qui n’impliquent pas forcément d’externaliser la solution. Retrouvez ici un article sur les stratégies de changement d’échelle.

La franchise : une relation réglementée

Plusieurs aspects techniques réglementent la franchise. 

  • Un contrat spécifie les responsabilités et les rôles des parties prenantes et préserve de certains litiges (notamment sur la concurrence). 
  • Des contributions ou des redevances monétaires permettent de partager et de valoriser les coûts liés à la R&D, à l’expertise, aux connaissances.
  • La gouvernance peut prendre plusieurs formes différentes selon la volonté de répartition du pouvoir.
    > Il existe le mode consultatif, qui consiste à prendre les idées et opinions des franchiseurs et franchisés en fonction de leurs champs de compétences préétablis.
    > La participation croisée permet à chaque franchisé d’être représenté lors du conseil d’administration du franchiseur. Ce dernier est, quant à lui, représenté à titre d’administrateur chez les franchisés.
    > Les comités thématiques sont des structures créées au sein du réseau de franchises. Les franchisés, selon leurs compétences, leurs appétences personnelles ou bien leurs fonctions, intègrent ces différents comités dans le but de faire avancer certains sujets (recherche et développement, etc.).
    > Il existe, évidemment, d’autres formes de gouvernance, adaptables à chaque organisation
  • Le modèle d’affaires du franchiseur doit lui permettre de dégager une marge de manœuvre suffisante pour financer le développement et le déploiement du réseau de franchises. Le franchiseur peut demander différentes contreparties financières aux franchisés, en échange de l’aide à leur implantation, leur développement, de la formation et du coaching, de l’aide à la préparation de budgets, etc. Pour éviter des tensions liées à ces questions financières, il est important d’agir en transparence dès le début et de justifier les potentielles contributions demandées aux franchisés.

Pour en savoir plus sur les conditions techniques à la mise en place d’une franchise sociale, n’hésitez pas à consulter le Guide de la franchise sociale du Tiess (Territoires Innovants en Économie Sociale et Solidaire).

Il est conseillé également de faire appel à un cabinet d’avocats afin de fixer le cadre réglementaire de la franchise. Le cabinet Gouache est spécialisé en franchise, AMP Avocats dans le droit de l’ESS. 

Quelques initiatives inspirantes

Handirect

Avec 18 agences en France, 180 salariés et 1800 clients, Handirect existe depuis maintenant 25 ans. Il s’agit du premier réseau d’entreprises adaptées qui s’est constitué en franchise en France. L’entreprise emploie 80% de personnes en situation de handicap. Leurs services s’articulent autour de deux axes : métier du courrier (impression, mise sous pli, routage, gestion du courrier entrant et sortant) et back office administratif (gestion des ressources humaines, gestion administrative, numérisation, contrôle). 

A partir de 2005, Handirect commence à se développer sur le territoire national, à Paris, puis à Lyon (2008) et progressivement dans plusieurs grandes villes de province. En 2015, une agence ouvre également sur l’Île de la Réunion.

Installées généralement au cœur des centre-villes ou dans des zones d’activités, Handirect affiche sa volonté d’être au plus près de ses clients pour assurer des prestations rapides et de qualité. L’entreprise continue de recruter des entrepreneurs indépendants, dotés de compétences commerciales, pour ouvrir de nouvelles agences. Pour les nouveaux franchisés, un accompagnement commercial et technique est mis en place afin de faire découvrir les possibilités et spécificités d’une franchise Handirect. En général, entre 6 et 12 mois sont nécessaires pour faire aboutir un projet de création.

Les Petites Cantines

Les Petites Cantines est un réseau non lucratif de cantines de quartier, où les convives s’accueillent et se rencontrent au travers de repas durables, participatifs et à prix libre. C’est une communauté apprenante, qui se nourrit de l’expérience de chacun de ses membres pour grandir et développer un réel savoir-faire autour du montage et l’animation de cantines de quartier.

Le réseau des Petites Cantines est aujourd’hui constitué de 6 cantines ouvertes, 5 cantines en projets et des dizaines de porteurs de projets accompagnés qui veulent être acteurs du changement. Le Réseau propose un accompagnement personnalisé aux habitants qui souhaitent se lancer dans l’aventure. 

Les sessions [ça mijote] et [ça mijote à la maison] sont des journées participatives, qui permettent un retour d’expérience afin de découvrir les fondamentaux des Petites Cantines et de mûrir son projet.

Le Réseau Bou’Sol

Le réseau Bou’Sol est une organisation qui joue le rôle de franchiseur pour essaimer des boulangeries qui opèrent sous la marque Pain et Partage dans différentes régions françaises. Ces boulangeries proposent des activités d’insertion socioprofessionnelle dans le cadre de la production de pains biologiques vendus principalement dans des établissements institutionnels et commerciaux. Le réseau Bou’Sol privilégie une chaîne d’approvisionnement locale en associant à titre de partenaires des agriculteurs, des meuniers et des raffineurs de farine locaux. 

En 2005, la première boulangerie Pain et Partage à vocation d’insertion professionnelle s’ouvre à Marseille. Le modèle rencontre un franc succès et mène à la création du réseau Bou’Sol en 2013. Trois boulangeries s’ouvrent alors dans d’autres villes, sur le même modèle. Les engagements de franchisés tiennent sur une page : les valeurs partagées doivent être d’adopter la même dénomination, d’avoir une vocation d’inclusion professionnelle et sociale, de produire du pain biologique et local, de contribuer à la dynamique de coopération au sein de Bou’Sol, etc. Chaque boulangerie créée a, de fait, un statut de membre au sein du réseau Bou’Sol et doit ainsi déterminer un représentant au conseil d’administration

Il y a aujourd’hui 4 boulangeries Pain et Partage en France. L’objectif est de regrouper, à terme, de 8 à 10 boulangeries, en France et à l’international.

Zoom sur l’Accélérateur HEC

En 2018, la Région Ile-de-France, dans le cadre de sa politique de développement de l’Economie Sociale et Solidaire, ​et HEC Paris,​ se sont associées pour accompagner vers la réussite les dirigeants qui souhaitent démultiplier leur impact économique, social et environnemental. L’Accélérateur propose un programme conçu sur mesure pour répondre à leurs défis. L’initiative est soutenue par la DIRECCTE Île-de-France dans le cadre du Fonds départemental d’insertion.

L’Accélérateur est donc un dispositif d’accompagnement de  deux ans pour des entreprises de l’ESS en phase de changement d’échelle.

Découvrez le podcast de l’Accélérateur : “Entrepreneurs en Résilience”.