Académie pour Tous #5 – Concevoir les villes au service de l’intérêt général à l’aune des données numériques

Compte-rendu de la 5ème Masterclass de L'Académie pour Tous.

03 octobre 2019

En 2030, 5 milliards d’êtres humains habiteront les villes. Chaque jour, un territoire d’aire urbaine équivalent à la superficie de la ville de Paris est créé. Ces nouvelles zones urbaines, ainsi que celles déjà existantes, sont de plus en plus numérisées.

La hausse de la démographie citadine pose des questions : qu’en sera-t-il de la sécurité dans la ville de demain ? Des enjeux sanitaires ? De l’accès à l’eau et à la nourriture ?

« Concevoir les villes au service de l’intérêt général à l’aune des données numériques », c’était le thème de la 5ème Masterclass de notre partenariat avec la Chaire ETI, dispensée par Jean François Lucas, sociologue chez Chronos.

 

La ville de demain sera Smart

Pour réfléchir aux problématiques de la ville de demain, il est important de se saisir du concept de Smart City. Celui-ci peut être défini comme la ville dans laquelle le quotidien des habitants a vocation à être amélioré grâce à la numérisation de ses infrastructures, de ses réseaux et de ses services. Le principe est donc de mettre la technologie au service du bien-être des citoyens. La Smart City synthétise donc trois grands phénomènes contemporains : l’urbanisation massive, le développement durable et la dynamique de la télématique, c’est-à-dire la convergence de l’informatique et des télécommunications.

La data pour améliorer la ville

Aujourd’hui, nous vivons dans le contexte du big data : nous produisons énormément de données, qui sont traitées en temps réel. Nous pouvons corréler ces données et ainsi mieux anticiper. Le big data peut être utilisé pour faire évoluer la ville.

Ainsi, à Rio de Janeiro comme à Dijon, certaines villes centralisent aujourd’hui leur données et leur centre de commande afin d’être plus efficaces et d’optimiser les services, les fonctions et les ressources de la ville.

Cela permet de concevoir un environnement mouvant en fonction des usages de la ville et de son évolution en temps réel. Par exemple, l’interdiction de se garer sur certaines places de parking est problématique, car ces places sont utilisées par les livraisons seulement quelques heures par jour, et elles pourraient être accessibles le reste de la journée. En récupérant les données de livraisons en temps réel, il est possible de réattribuer ces places de parking en heures creuses.

Si la récupération et le regroupement des données paraissent donc permettre des possibilités infinies d’amélioration de la ville et du quotidien de ses habitants, certaines questions problématiques se posent cependant : qui a le droit d’utiliser ces données ? A qui appartiennent-elles ? Quels usages en sont faits ?

 

Les données numériques en ville vs l’intérêt général

Certains services aux usagers sont gérés par des acteurs privés, et donc centrés sur l’expérience d’utilisation individuelle et non sur l’expérience collective de la ville. Par exemple, en cas de bouchons dans la ville, l’application GPS Ways fait changer de direction les voitures coincées dans le trafic. Cependant, si toutes les personnes coincées dans le même bouchon utilisent Ways, elles prendront alors toutes le même chemin alternatif, soit souvent des petits axes non adaptés à un trafic important ; cette somme d’usage individuel va à l’encontre de l’intérêt général.

Cette notion même « d’intérêt général » est complexe à définir. Elle doit pourtant régir les décisions prises pour la ville. Ainsi, la question de l’intérêt général se pose dans le contexte de l’essor de l’application Airbnb, qui permet de se loger temporairement dans une ville. Cet acteur privé, aujourd’hui présent dans de nombreux pays, proposait en 2018 plus de 65 000 logements uniquement dans la ville de Paris, concurrençant rudement les hôtels. Si les vacanciers y trouvent leur compte et que les commerçants de proximité vendent davantage dans ces zones peuplées de logements temporaires, les habitants de la ville, les personnes y cherchant un logement pérenne, et les autres logeurs sont grandement désavantagé par la démocratisation des logement Airbnb. Où se trouve alors l’intérêt général, dans la somme des intérêts individuels, ou dans l’expérience collective d’une ville, qui transcende l’intérêt des individus ? Dans la culture française, la balance penche vers la deuxième option.

Ainsi, des solutions existent pour sauvegarder l’intérêt général dans la ville de demain. Cela peut être des contrats et clauses entre les acteurs publics et privés, notamment concernant le traitement des données, mais aussi des régulations par la loi, non pas pour brider l’innovation, mais pour la cadrer. Enfin, comme à Barcelone, la participation citoyenne doit être encouragée pour co-construire une ville de demain numérique et au service de l’intérêt général.

La prochaine Masterclass de l’Académie pour Tous aura lieu le 30 octobre prochain, sur le thème de la solidarité dans les villes.

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