Consigne et réemploi: back to basics

La consigne, de l'histoire ancienne ? Nous avons parlé du retour de cette pratique le 20 février aux Canaux !

20 février 2020

Loi économie circulaire : introduction et décryptage

Le 10 février 2019, un long processus législatif a porté ses fruits : la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire vient d’être promulguée ! L’Institut National de l’Économie Circulaire vous propose un décryptage des mesures de cette loi.

Ces 130 mesures visent différents objectifs : l’information du consommateur, la possibilité de réparation des produits, des dispositifs pour lutter contre le gaspillage et interdire la destruction des invendus, d’autres en faveur du vrac, du bâtiment circulaire, du numérique, de l’éducation, de l’énergie… Ce projet de loi prévoyait également un arsenal de mesures pour lutter contre la consommation de plastique superflus et tendre vers l’objectif de 100% de plastiques recyclés, notamment afin de :

  • Mieux concevoir les plastiques pour qu’ils soient tous recyclables
  • Mieux collecter les déchets plastiques grâce au déploiement de nouveaux dispositifs de collecte, complémentaires à ceux qui existent déjà, en développant la consigne
  • Mieux produire en imposant des taux minimaux d’incorporation de plastique recyclés dans les produits

C’est dans ce cadre que la loi traite de la consigne, un sujet qui a cristallisé les débats. Après de nombreux aller-retours, l’amendement réintroduisant un dispositif de consigne pour réemploi et recyclage dans cette loi a été finalement déposé par le Gouvernement le 16 décembre lors du passage de la loi à l’Assemblée Nationale. Cependant, cet amendement est entouré de précautions.

Le dispositif actuel proposé par le Gouvernement passe par un suivi de la collecte de bouteilles plastique, avec des objectifs que les collectivités territoriales auront pour mission d’atteindre :

  • Des taux de collecte de 77% en 2025 puis 90% en 2029 pour les bouteilles en plastique de boisson
  • Une réduction de 50% du nombre de bouteilles pour boisson à usage unique mises sur le marché d’ici à 2030.

Un point d’étape sera effectué en 2023 : en fonction de l’atteinte de ces objectifs et du bilan des différents rapports et études de l’Ademe en cours sur l’impact économique, budgétaire et environnemental des dispositifs, le Gouvernement mettra en place, après concertation avec les parties prenantes, un ou plusieurs dispositifs pour recyclage et réemploi.

Par ailleurs, il est prévu que d’autres dispositifs de consigne puissent être imposés aux producteurs s’ils sont nécessaires à l’atteinte des objectifs nationaux et européens. En parallèle, des initiatives volontaires peuvent également être mises en place, ainsi que des dispositifs supplémentaires de consigne pouvant être mis en place à l’échelle régionale.

Les différentes formes de consigne

Selon la définition de l’Ademe, un emballage consigné est un emballage pour lequel l’acheteur verse une somme d’argent, la consigne, qui lui est rendue lorsqu’il retourne l’emballage. Ce dispositif peut être utilisé pour accroître le retour des emballages : soit pour les réemployer emballages (re-remplissables), soit pour les recycler.

  • Dans le système de consigne pour réemploi/réutilisation : les emballages déconsignés sont lavés en vue d’un réemploi ou d’une réutilisation. C’est la méthode de consigne la plus connue : jusque dans les années 1960 ce système dominait en France, et est encore très présent en Allemagne.
  • Dans le système de consigne pour recyclage : les emballages à usage unique sont consignés pour encourager les utilisateurs à ramener ces emballages en vue d’un recyclage.

Dans ce contexte, il est important de distinguer le réemploi (“toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus”) de la réutilisation (“toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau”). Source : Ademe.

Source : Zero Waste France

La collectivité comme soutien au développement de la consigne

La Ville de Paris soutient le développement des pratiques de consigne, notamment au travers de Programmes locaux de réduction des déchets. Pour mieux comprendre le fonctionnement des systèmes de consigne sur le territoire, les freins rencontrés, et de d’accompagner au mieux le changement, la Ville mène des études pour connaître la dynamique du territoire.

Depuis quelques années, de nombreux projets de consigne pour réemployer les emballages se développent un peu partout sur le territoire français. Ces porteurs et porteuses de projet rencontrent cependant de nombreux freins techniques, législatifs ou financiers.

En effet, il est difficile pour des porteurs de jeunes projets de faire les investissements nécessaires au prototypage des emballages, au montage de la chaîne logistique, à la location d’espaces de stockages… La Ville de Paris les accompagne au travers de certaines mesures :

  • Accès facilité au foncier, à Paris et en Île-de-France, en partenariat avec des bailleurs sociaux
  • Accompagnement dans la création d’emplois
  • Apport de financements au travers d’appels à projets ciblés, comme “Cap sur l’économie circulaire !

Fédérer les initiatives en Île-de-France : l’objectif du réseau Consigne et Réemploi

Afin de créer des synergies entre ces porteurs de projets, la Ville de Paris et Zero Waste France ont impulsé la structuration du Réseau Consigne et Réemploi, une association nationale pour les rassembler, les aider à lever ensemble ces freins et leur fournir les outils et informations utiles à leur développement.

Source : Zero Waste France

La consigne, un système qui a fait ses preuves !

Dans un rapport, l’ADEME (agence de l’Etat pour l’environnement) passe au crible 10 dispositifs français de consigne pour réemploi d’emballages en verre, dont METEOR, producteur alsacien de bière.. Verdict : la réutilisation des bouteilles (lavage et re-remplissage) est à bien des égards plus intéressante que l’utilisation de bouteilles en verre à usage unique. Sur tous les indicateurs environnementaux (impact climatique, consommation en eau, consommation d’énergie primaire) et pour tous les dispositifs étudiés, le système avec consigne présente une performance environnementale supérieure ou équivalente au système sans consigne.

Mais le réemploi n’est pas seulement une bonne opération pour la planète : il se révèle aussi plus pertinent d’un point de vue économique. En rassemblant les coûts supportés par les différents acteurs de la chaîne de valeur (de la fabrication de la bouteille, à son transport, son lavage et à la collecte des déchets), l’étude révèle que pour 6 des 7 dispositifs de consigne étudiés, les coûts de gestion sont moindres que dans un système de bouteilles à usage unique. Pour certains dispositifs, la consigne coûte ainsi deux fois moins cher qu’un système de bouteilles à usage unique

“Notre solution est 10 à 30% moins chère que les options équivalentes en polystyrène.” – Anaïs Ryterband, co-fondatrice de Pandobac

De plus, une enquête réalisée auprès des clients des commerces montre qu’une très large majorité d’entre eux ont une attitude favorable vis-à-vis des emballages réemployables-réutilisables : 88% estiment utile d’en disposer dans leur magasin.

Mais des freins subsistent…

Des freins financiers

Le premier frein à la généralisation de la consigne est financier. Si les économies liées à la consigne bénéficient in fine au consommateur et contribuable (via le prix des produits ou des économies sur les coûts de gestion des déchets par exemple), elles ne se traduisent pas nécessairement par des gains pour les opérateurs des systèmes de consigne. La livraison et le « reverse » (retour des emballages consignés) implique souvent un double coût de livraison pour les porteurs de projet. De plus, les opérations de lavage impliquent un coût important lorsqu’elles sont réalisées à petite échelle.

Certains porteurs de projets répondent à cet enjeu par un positionnement premium, où le surcoût face à une solution classique se justifie par la qualité de la prestation autant que par l’engagement porté par la solution consignée.

« Nos client viennent vers nous pour le zéro déchet, et restent pour la qualité des produits » – Pierre Caillard, co-fondateur de Les Empotés.

Mais pour généraliser ce mode de consommation, un passage à l’échelle est nécessaire. En effet, les premières projections prouvent que le passage à l’échelle permettrait de réduire les coûts liés à ce système de production. Mais ce changement de paradigme implique une évolution de la chaîne de production, notamment un investissement important dans des appareils industriels adaptés du côté des fournisseurs.

C’est pourquoi des projets comme celui de Loop espère prouver par le passage à l’échelle que le modèle économique trouve un équilibre pour tous les acteurs de la chaîne. En travaillant dans plusieurs pays européens, avec différents distributeurs (Carrefour en France), Loop vise à scaler industriellement leur modèle pour toucher de nombreux consommateurs : faire la preuve de la rentabilité à grande échelle permettrait de multiplier les industriels s’inscrivant dans cette action ! Actuellement, les marques impliquées dans le projet fonctionnent avec une chaîne semi-automatisée (voire manuelle), un système qui implique une augmentation significative de leurs coûts d’emballages. Si l’appétence client est prouvée lors de cette première phase de test, l’appareil industriel devrait être développé en propre par les marques afin d’internaliser la gestion et de réaliser des économies d’échelle.

En effet, le tissu industriel sur la consigne pour réemploi est encore émergent. Avec le développement du volume de produits consignés, des acteurs spécialisés vont émerger pour catalyser les besoins (en lavage par exemple), ce qui permettra d’accélérer le mouvement par effet d’entraînement

Des freins techniques

Il existe également des freins techniques qui viennent compliquer la mise en œuvre du système de consigne pour les opérateurs :

  • Multiplicité des modèles de contenants
  • Conception pour permettre leur ré-employabilité (résistance aux chocs et à l’usure pour permettre la collecte, le lavage et un nombre de réutilisations suffisant)
  • Présence d’étiquettes non-adaptées (ne partant pas au lavage)

Le changement d’habitude, un virage à prendre

Un changement d’habitude doit se généraliser pour assurer la pérennité des dispositifs.

Dans un premier temps, il s’agit de convertir de nouveaux consommateurs. “A l’heure actuelle, de nombreux maillons de la chaîne s’adaptent à la demande grandissante des consommateurs sans encore agir par conviction” nous dit Anaïs Ryterband, co-fondatrice de Pandobac. De plus, les dispositifs actuels doivent augmenter en praticité (augmentation et diversification des points de collecte) et en fiabilité (pas d’arrêt de fonctionnement du système) pour assurer l’adhésion des consommateurs, particuliers ou professionnels, moins sensibles à l’environnement.

Ce changement passe également par de la pédagogie auprès des consommateurs et des opérateurs de livraison, pour assurer une bonne gestion des systèmes de collecte.

Le législatif, un levier pour aller plus loin

Aujourd’hui, aucune contrainte réglementaire ne pèse sur les industriels. Les emballages consignés entrent donc en compétition directe avec des emballages à usage uniques. Plusieurs solutions législatives sont envisageable pour rétablir un équilibre :

  • Subventionner le développement de la consigne, par des financement ou des avantages fiscaux
  • Interdire l’usage du plastique à usage unique pour renforcer renforcer la prise de conscience et accélérer le changement.
  • Uniformiser les pratiques pour répondre au besoin de standardisation des emballages réemployables (limiter les modèles et les formats, utiliser des colles adaptées…) 

“Il faut penser la consigne comme une chaîne de responsabilité. Chaque acteur a son rôle à jouer. Petit à petit, tout le monde prend sa part en tant que maillon de la chaîne, du fournisseur au consommateur. Mais le législateur a encore une grande part à jouer.” Nicolas Dechambre – co-fondateur de Club-Maté

 

Merci à nos intervenants !

📌 Introduction : Pauline Thiberge, chargée de mission affaires juridiques à l’Institut national de l’économie circulaire

L’Institut national de l’économie circulaire a pour mission de promouvoir l’économie circulaire et accélérer son développement grâce à une dynamique collaborative. Organisme multi-acteurs, il est composé de plus de 200 membres, organismes publics et privés : entreprises, fédérations, collectivités, institutions, associations, ONG et universités.  La diversité de ces membres permet de nourrir une vision holistique de l’économie circulaire, prenant en compte l’ensemble des enjeux économiques, sociaux, et environnementaux.

 

📌 Médiatrice : Alice Abbat, chargée de mission consigne Zero Waste France et coordinatrice du Réseau de la consigne francilienne

Zero Waste France (anciennement CNIID) est une association indépendante de protection de l’environnement qui prône la réduction à la source des déchets depuis plus de 20 ans. Relais de vigilance citoyenne, l’association  pour but de promouvoir une société Zero Waste (zéro déchet, zéro gaspillage) dans une démarche positive qui consiste à modifier nos modes de production et de consommation, afin de limiter le recours aux ressources naturelles et à l’énergie ; optimiser l’usage (réutilisation, réemploi des produits et matériaux, développement des circuits courts etc) et préserver  la matière.

 

📌 Romain Badie, chargé du projet Loop chez Carrefour

Carrefour, l’un des leaders mondiaux du commerce alimentaire, et TerraCycle, leader mondial dans le recyclage de déchets considérés comme difficilement recyclables, se sont associés à un ensemble de multinationales et marques de toutes tailles pour proposer une solution e-commerce circulaire pratique et accessible à tous : Loop, le premier site d’e-commerce en Europe avec système de consignes et de contenants durables, pour réduire les emballages à usage unique.

 

📌 Pierre Caillard, co-fondateur de Les Empotés

Les Empotés, c’est un service de traiteur et de plateaux-repas zéro déchet, grâce à des pots consignés, à destination des entreprises en Ile-de-France pour des pauses déjeuner gourmandes et responsables. 

 

📌 Anita Ravlic, de la Division Énergies Climat Économie Circulaire à la Ville de Paris

Paris, carrefour des préoccupations citoyennes et nationales, consciente des enjeux environnementaux, s’est très tôt engagée dans la lutte contre le changement climatique, notamment en se dotant d’un Plan économie circulaire. Tout en s’inscrivant dans les cadres européens et français, les mesures prises sont aussi propres au territoire parisien : trajectoire zéro déchet pour les déchets ménagers, tri de tous les plastiques dès 2019, collecte des déchets alimentaires dans tout Paris d’ici 2020 ou encore chantiers zéro déchet pour les opérations de construction et d’aménagement de la Ville.

 

📌Anaïs Ryterband, co-fondatrice de Pandobac

Pandobac propose un service zéro déchet de livraison à destination des professionnels de l’alimentaire. C’est un système de bacs réutilisables qui remplace les emballages de transport jetables aujourd’hui achetés et utilisés par les grossistes pour livrer les restaurants. Le service se présente sous la forme d’un abonnement mensuel et comprend : la mise à disposition de bacs éco-conçus, leur lavage écologique, une application web et mobile de suivi des bacs, ainsi que la formation et sensibilisation des acteurs concernés par le service.

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