Académie pour tous – Les fractures territoriales

Le 4 mars dernier, Didier Chabaud présentait son regard d'expert sur les fractures territoriales lors de la première Académie pour Tous de 2020.

04 mars 2020

De plus en plus d’études se penchent sur la question de l’importance du territoire et des disparités territoriales en termes de création de richesse, de bien-être et d’évolution sociétale. Alors que des fractures territoriales sont observés à plusieurs échelles, il est important de tirer des constats de la situation, pour ensuite tenter d’y apporter des solutions durables.

Au niveau européen, les disparités territoriales ressortent lors du calcul du PIB par habitant selon les régions. On observe alors qu’en France, seules 2 régions sont au-dessus de la moyenne européenne au niveau de la création de richesse: l’Ile de France et la région Lyonnaise.

Le cas français est particulièrement intéressant: historiquement, ce territoire présente de grandes disparités, dues notamment au système de régions et de départements, créant de nombreux échelons de prises de décision. En 2010, la loi de réforme des collectivités territoriales avait alors pour but de réduire ce « mille-feuilles territorial », afin de limiter les compétences des départements et des régions et de mutualiser leurs services. La question se pose alors: quelles sont les principales fractures territoriale en France, et quelles solutions y apporter ?

Le casse-tête des métropoles

Avec au moins une métropole par région, la France regroupe à elle seule plus de 22 métropoles (zones urbaines de plus de 400 000 personnes): un chiffre au-dessus de la moyenne mondiale. Ces métropoles françaises ont été présentées comme les bases des stratégies de dynamiques territoriales de chaque région. En effet, ces métropoles regroupent une grande partie des publics les plus intéressants du point de vue de la création de richesse: les étudiants du supérieur et les emplois tertiaires. Le fonctionnement français parie donc sur un développement des métropoles pour que celles-ci irriguent ensuite le reste de leur territoire et que les villes alentours, plus petites, en profitent.

Ce système, qui parie sur le ruissellement, ne démontre pas les mêmes résultats selon les régions. En effet, toutes les métropoles ne se valent pas: si certaines se développent et créent une dynamique d’emploi dans les territoires périphériques, en irriguant les territoires proches (c’est le cas de Rennes, de Lyon ou de Nantes…), d’autres restent très auto-centrées, comme Lille ou Toulouse, et ne créent pas d’effet de ruissellement. Leurs dynamiques ne créent que peu d’emplois hors de la ville même, et elles peuvent même avoir un effet négatif sur les villes moyennes aux alentours, en centralisant les richesses à leurs dépends.

La dynamique des métropoles n’est donc pas homogène, et ce système demande des ajustements. Ici, une carte présentant les dynamiques d’emploi selon les métropoles.

L’échelle du département : indice de développement des territoires

Pour appréhender plus finement les choses, une approche à l’échelle du département peut être menée. On prend alors en compte les dynamiques démographique et les dynamiques de création d’emploi local. Ainsi, sur les cartes prenant en compte l’échelon départemental, la disparité des territoires est évidente et laisse apparaître la diagonale du vide et le dynamisme de l’Ile-de-France, la vallée du Rhône et l’Ile-de-France. On observe également qu’une partie des territoires est en difficulté malgré des métropoles puissantes et dynamiques.

Les disparités territoriales sont donc observables entre les départements, entre les métropoles, mais également au sein même des métropoles, qui font face à des inégalités économiques et sociales.

Endiguer les phénomènes des fractures territoriales : pistes d’action

Il faut alors penser la ville et sa capacité d’action : comment dynamiser la ville et l’aire urbaine pour arriver à un résultat positif  sur tous les territoires ?

Il se pose alors la question de la répartition des richesses. Avant le 21ème siècle, la création de richesse et sa redistribution se faisaient dans les mêmes secteurs, de façon proportionnelle. Depuis les années 80, on observe une distorsion entre les secteurs de création et de redistribution de la richesse. Cela s’explique par le fait que ce que l’on produit n’est plus forcément vendu de façon locale, et que l’on peut travailler dans un territoire et habiter dans un autre.

Il est alors possible, pour les villes moyennes, de créer une dynamique locale, avec une réelle identité de ville moyenne, afin de profiter du ruissellement de la métropole mais surtout de s’en émanciper. On observe des villes moyennes qui se développent durablement bien; cela s’explique par leurs dynamiques locales, basées sur des réseaux et des communautés d’acteurs locaux qui développent des activités sociales. Souvent, ces communautés se basent sur l’historique du territoire ainsi que sur ses spécificités.

Il est également du devoir des métropoles de travailler sur leur gouvernance, sur les enjeux de redistribution de leurs richesses et sur les défis d’inclusion sociale.

Pour aller plus loin :Les 26 & 27 mai prochain, une conférence sur le thème des mutations urbaines et territoriales est organisée à la Sorbonne.

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