Consommer mieux et moins : boycottons le Black Friday

Le Black Friday, journée noire pour la planète ? Nous avons parlé des enjeux de la sur-consommation le 28 novembre aux Canaux !

28 novembre 2019

Qu’est-ce que le Black Friday ?

Le Black Friday est une tradition commerciale venue des Etats-Unis. Depuis 1932, des promotions massives ont lieu aux États-Unis, le lendemain du jeudi de Thanksgiving. Symbole de l’hyperconsommation, cet événement implique des surproductions de biens manufacturés voraces en ressources, souvent non renouvelables et polluantes.

En France, le Black Friday existe depuis moins de 10 ans. Cette pratique a rapidement pris de l’ampleur : 95% des Français connaissent aujourd’hui le Black Friday, et plus de 2 Français sur 3 a prévu de faire des achats à cette l’occasion.

“Le Black Friday semble être avant tout une opération plaisir pour les consommateurs en France. 40 % d’entre eux y réaliseront des achats d’impulsion et 35 % par opportunité sur un produit envisagé, mais pas encore acquis (remplacement ou montée en gamme). L’anticipation des cadeaux de Noël arrive finalement en troisième position, à 25 %.”  (1)

On peut légitimement se demander : avons-nous besoin de tout ça ?

Des consommateurs en quête d’une meilleure consommation

Pourtant, il existe une véritable attente des consommateurs quant à un mode de consommation plus durable. En Europe, le modèle de société (de consommation) est vécu comme à bout de souffle par tous les pays sans exception : 95 % des consommateurs estiment qu’il faut revoir tout ou partie de notre modèle économique actuel, et remettre en question le mythe de la croissance infinie.

Si tous se posent en acteurs du « consommer mieux », la France émerge comme l’exception européenne sur le « consommer moins » et le « faire autrement » : 80 % des Français ont changé leurs habitudes de consommation pour répondre à l’urgence écologique. (2)

Alors pourquoi cette consommation effrénée le jour du Black Friday ? Y a-t-il un manque de prise de conscience des impacts du Black Friday ?

Une surconsommation aux impacts désastreux

L’ONG Greenpeace pointe nos habitudes de consommation : un quart des commandes réalisées par les moins de 30 ans en ligne est retourné au site marchand. Ce qu’ils ne savent pas, c’est ce que deviennent ces produits : 30 % des articles retournés à Amazon Allemagne sont soit jetés, soit détruits. Le coût de leur remise sur le marché est en effet plus élevé que celui de leur mise au rebut. (3)

Quand on sait qu’en 2017, c’est 1400 produits par minute qu’Amazon a écoulé durant le Black Friday, il faut voir cette journée pour ce qu’elle est : une opération commerciale synonyme de surconsommation, de gaspillages monstres et de lourds impacts environnementaux

Des alternatives à la consommation compulsive

Heureusement, des collectifs et des entrepreneurs proposent des alternatives à la consommation compulsive, et aux achats non nécessaires dictés par la logique promotionnelle. A l’heure de l’urgence climatique, ils sont nombreux à se mobiliser pour une prise de conscience écologique, sociétale et citoyenne.

«Green Friday», «Fair Friday», #BlackForGood ou simple boycott… Certaines marques et mouvements associatifs veulent prendre le contre-pied du Black Friday : voici un tour d’horizon de ces initiatives.

#greenfriday

Jean-Paul Raillard (ENVIE) et Mathieu Taugourdeau (Altermundi) sont venus nous présenter le mouvement Green Friday©. Créé en 2017, ce mouvement souhaite questionner la surconsommation et permettre aux citoyens de modifier leur consommation en mettant en lumière de nombreuses alternatives plus durables. Les 400 structures adhérentes, associations et entreprises, proposent cette année encore des événements et ateliers partout en France. Les entreprises participant à l’opération ne proposeront pas de réductions à leurs clients le jour du Black Friday et s’engagent à reverser 10% de leur chiffre d’affaires de la journée au profit d’associations engagées pour une consommation responsable telle que HOP, Zéro Waste, etc.

#blackoutfriday #JeMeDeconnectePourLaPlanete

Emery Jacquillat, président de la CAMIF, nous a présenté l’initiative du Black Out Friday. Cette campagne consiste à fermer les portes de ses magasins ou de son site internet durant l’opération Black Friday, comme la CAMIF le fait depuis trois ans.

« Ce geste est le plus fort qu’un site de e-commerce puisse faire. Zéro vente. Le refus absolu de la surconsommation en ce jour si attendu. Oui, c’est un acte fort parce que nous voulons sensibiliser à une consommation responsable et raisonnée. Plus locale, plus durable, plus citoyenne. »

#fairfriday

Peggy Banget-Mossaz (Rutabago), est venue nous présenter l’initiative conjointe menée par Aurore, association en faveur de l’insertion sociale, et Rutabago, 1er panier prêt-à-cusiner 100% bio et responsable. Du 04 au 29 novembre, ils organisent une collecte de dons pour distribuer des repas bio au profit de l’épicerie solidaire de l’association Aurore afin que les plus éloignés du Black Friday ne se sentent plus exclus d’une alimentation saine.

Le fair friday désigne également une opération de Nature & Découvertes, qui alerte sur la disparition de la biodiversité et offre 18 000 sachets de graines pour nourrir les oiseaux. La marque applique également des réductions sur les mangeoires et autres équipements en lien avec les volatiles, et organise des ateliers pédagogiques sur les oiseaux. (4)

#makefridaygreatagain

Avec plus de 450 marques engagées, ce collectif appelle également au boycott du Black Friday et entend proposer une alternative aux consommateurs : cette journée est l’occasion de trier nos placards pour vendre ou recycler ce que nous ne voulons plus, de faire le point sur ce dont nous avons vraiment besoin, et d’acheter si on le souhaite… mais raisonnablement et au prix juste. (4)

#vracfriday

La campagne de sensibilisation de Naturalia invite les consommateurs, novices ou avertis, à passer au vrac et adopter un mode de consommation « zéro déchets ». L’enseigne a par ailleurs rejoint l’initiative #makefridaygreatagain. (4)

#blackforgood

Ce mouvement est parti d’une lettre ouverte sur LinkedIn postée fin septembre par le fondateur de Typology et de Made.com. Depuis son appel, 70 marques ont rejoint le mouvement, principalement des startups de l’industrie des cosmétiques et du retail. Certaines opèrent des soldes, d’autres non, mais toutes s’engagent à redonner à l’association de leur choix une partie importante de leurs bénéfices générés pendant cette période ou à opérer un don conséquent. Un engagement à la carte donc. (5)

#hackfriday

Action coup de poing menée par le #LabelEmmaus, qui consiste à hacker les vitrines du Black Friday pour indiquer aux passants/clients que les articles présentés existent également en version recyclée et solidaire, sur le site https://www.label-emmaus.co/fr (4)

#blockfriday

Certains mouvements – notamment Extinction Rebellion – appellent leurs militants à bloquer ou occuper « de manière festive des ‘temples’ de la consommation ».

La communication, bras armé d’une nouvelle consommation

Désormais, afficher sa participation ou non à l’événement est presque devenu une obligation. Car derrière ces bonnes intentions se cache évidemment une bataille, celle de la communication renforçant l’image positive ou négative de la marque dans l’esprit des consommateurs.

Un groupe de députés a même déposé un amendement au projet de loi anti-gaspillage pour faire interdire l’événement en faisant intégrer sa publicité aux “pratiques commerciales agressives” . L’examen de la proposition interviendra le 9 décembre. Mais cette seule interdiction peut-elle vraiment suffire à responsabiliser l’ensemble des citoyens ? (7)

Au-delà du Black Friday, comment s’engager à l’année ?

La remise en cause du modèle économique dominant, fondé sur une production et consommation de masse qui requiert nécessairement un fort taux de remplacement des produits, s’accompagne d’une promotion des modèles économiques durables à long terme. En particulier, les modèles économiques basés sur l’usage des produits (économie de la fonctionnalité), sur un modèle de réutilisation des ressources (économie circulaire) ou sur la collaboration des acteurs pour une production plus efficiente (économie collaborative) sont promus. 

Sortir du modèle classique de production et de consommation suppose l’implication des consommateurs : comment peut-on agir à notre échelle ?

  • Consommer mieux : privilégier des produits responsables, fabriqués dans de bonnes conditions avec des matériaux durables
  • Consommer moins : 5 millions de tonnes de vêtements sont mises sur le marché en Europe chaque année et 4 millions sont jetés (6)
  • Réparer ce qui peut l’être : 56% des équipements qui tombent en panne ne sont pas réparés bien qu’ils soient techniquement réparables (6)

 

Les intervenants

Médiateur : Nicolas Froissard – Directeur général du Groupe SOS

Le groupe SOS est une organisation française spécialisée dans l’entrepreneuriat social qui regroupe des entreprises et des associations. En 2018, il employait 18 000 salariés et générait 950 millions d’euros de chiffre d’affaires, principalement au travers de subventions publiques, à travers 550 établissements.

Emery Jacquillat – Président de la CAMIF

La CAMIF est une entreprise française de vente aux particuliers spécialisée dans l’équipement de la maison et de la personne. Camif distribue ses produits par Internet. À l’origine, elle était la coopérative des adhérents à la mutuelle d’assurance des instituteurs de France.

Jean-Paul Raillard – Président d’ENVIE

ENVIE est engagé dans l’insertion sociale par le retour à l’emploi de personnes exclues ou éloignées du monde du travail. Pour créer ces emplois, ENVIE a développé de nombreuses activités dont le dénominateur commun est l’économie circulaire et donc le développement durable. ENVIE a créé et déposé la marque GREEN FRIDAY en 2017 à l’INPI.

Mathieu Taugourdeau – Directeur général Groupe SOS Emploi et Directeur d’Altermundi

Dans une démarche de commerce responsable, Altermundi propose des marques éthiques, responsables et Made in France. Art de vivre, maison, mode ou enfant… Altermundi propose une gamme complète d’objets et d’articles.

Peggy Banget-Mossaz – Responsable Produit et Communication chez Rutabago

Rutabago propose de recevoir chaque semaine des paniers prêts-à-cuisiner 100% bio, à domicile. Chaque panier est composé de recettes élaborées par des chefs et des diététiciennes-nutritionnistes, accompagnées de tous leurs ingrédients bio, pré-portionnés, frais et de saison. Les produits sont 100% bio et achetés en circuit court pour garantir leur fraîcheur et une juste rémunération aux producteurs.

Samuel Sauvage – Président d’Halte à l’obsolescence programmée

HOP a 3 missions principales :

  • Informer la population sur l’obsolescence programmée et comment lutter contre ce phénomène.
  • Fédérer les associations de consommateurs, les associations sur la protection de l’environnement, les consommateurs, et les professionnels qui luttent aussi contre l’obsolescence programmée en proposant des produits durables ou réparables.
  • Proposer des solutions concrètes et des changements de législation, de nouvelles dispositions légales, des adaptations, proposer un changement de modèle économique qui ne serait pas basé sur la surconsommation des produits.

 

(1) Source : étude GfK “Black Friday, comment les consommateurs français se préparent-ils”, novembre 2019

(2) Source : étude Greenflex, Baromètre de la consommation responsable 2019

(3) Source : Enquête réalisée par la télévision publique allemande ZDF et le magazine WirtschaftWoche, Amazon destroys massive quantities of returned and as-new goods, 12 juin 2018

(4) Source : « Friday bashing » ou comment les alternatives au Black Friday peuvent devenir le moteur d’un changement plus profond, Emilie Pommier, 29 novembre 2019

(5) Source : Black For Good, Green Friday… Des startups à l’assaut de la surconsommation, Julia Lemarchand, 25 novembre 2019

(6) Source : campagne Green Friday 2018

(7) Green Friday : véritable moteur de changement ou simple plan marketing ? – Anne Taffin, 29 novembre 2019

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