Le local, la clé pour une mode plus vertueuse ?

D’un point de vue éthique, une consommation locale soutient une industrie séculaire et des savoir-faire en voie d’extinction, assure des conditions de travail et de rémunération qui respectent le droit national, ainsi que des processus de fabrication plus respectueux de l’environnement.

Une consommation locale, c’est aussi une consommation écologique, tant au niveau du transport qu’en termes de dépense énergétique dans le processus de production.

En effet, afin de suivre le rythme effréné des changements de collections, les vêtements, sacs et chaussures sont souvent fabriqués à l’autre bout du monde. Or, la condition pour que les boutiques soient livrées en permanence est de recourir à des moyens de transports réguliers et rapides. L’avion est donc largement privilégié dans la plupart des cas, bien qu’il soit de loin le plus polluant. Ainsi, 1,2 milliard de tonnes de CO2 sont émises chaque année, dues au transport et à la distribution des textiles.

Pour fabriquer un jean, on utilise du coton cultivé en Inde ou en Afrique, teint dans un autre pays, renvoyé en Asie pour la confection afin d’être finalement vendu partout dans le monde. Il peut ainsi parcourir jusqu’à 65 000 km, soit 1,5 fois le tour du monde.

En plus de la diminution de l’impact écologique, le fait de consommer local permet également de recréer un lien différent aux vêtements, à leur histoire et à celle de leurs créateurs, afin de consommer de manière plus réfléchie et de sortir du mode de consommation linéaire « produire, consommer, jeter ». Il importe de réfléchir à la nécessité de chaque achat, et de prolonger la durée de vie de nos vêtements : en moyenne, chaque Français jette 12 kilos de vêtement par an, et 70% de notre garde-robe n’est jamais portée.

Cela permet d’envisager le prix du vêtement différemment, et de tendre vers des achats plus raisonnés, moins nombreux, au prix juste : celui qui garantit des conditions de travail et de rémunérations dignes pour les producteurs et travailleurs à chaque étape de la chaine de production et de commercialisation, ainsi que des processus de fabrication plus respectueux de l’environnement.

Première étape : le choix de la fibre textile

Si de nombreuses marques éthiques décident d’abandonner le coton classique pour faire appel à des producteurs de coton labélisés bio, il existe des fibres alternatives qui n’ont rien à lui envier ! La France est par exemple le premier pays producteur de chanvre d’Europe et le premier pays producteur de lin au monde. L’industrie vestimentaire gagne à redonner toute sa place à ces matières dont la production, contrairement au coton, nécessite très peu d’eau et de pesticides. Ces deux fibres ont de nombreuses qualités : le lin est thermorégulateur, le chanvre est anti-bactérien et les deux sont très solides. Deux matières pleines de promesses, et des marques telles que Gorfoo, qui misent sur le lin et le chanvre l’ont très bien compris.

Si nous disposons de ces ressources sur notre territoire, il y a un hic, l’étape de la filature. Prenons le lin comme exemple : aujourd’hui toutes les étapes de la transformation du lin sont réalisables en France à l’exception de la filature. C’est pourquoi en 2019, des acteurs de la filière ont lancé le projet LinPossible dont l’objectif est de relocaliser un outil de filature du lin en France.

Conserver et transmettre un savoir-faire

Relocaliser la production, c’est aussi l’occasion de se réapproprier un savoir-faire ! C’est ainsi que 1083, marque vestimentaire engagée, a fondé en 2018 « l’école du jeans » à Romans afin de redévelopper le savoir-faire de la confection des jeans. Cette initiative ambitieuse est l’aboutissement d’un travail d’équipe avec Pôle emploi notamment. Dans la même démarche, Roubaix, autrefois bastion de l’industrie de la filature textile, a choisi de relocaliser une filature destinée à la confection de masques de protection.

Produire local, pour assurer de meilleures conditions de travail

Une fois la matière sélectionnée et prête à l’emploi, vient l’étape de la production. Faire produire ses créations vestimentaires à l’échelle locale permet aux marques d’avoir une meilleure visibilité sur les conditions de travail et de rémunération de ses sous-traitants à chaque étape de la chaine de production et de commercialisation.

Certains créateurs font également appel à des ateliers d’insertion pour produire leurs pièces. C’est par exemple le cas d’Hanoi, marque de mode éthique made in Paris, qui emploie ainsi des femmes en situation de vulnérabilité pour leur offrir ce tremplin vers un retour à la vie professionnelle.

La fin est le début : Intégrer la fin de vie du produit dès sa conception

Nombre de créateurs qui produisent leurs créations à l’échelle locale choisissent de s’impliquer davantage dans l’économie circulaire.

C’est dans cette démarche que l’association Jeu de Matières propose de recueillir des chutes de cuir et de tissus pour les revaloriser, créant des sacs à mains et cartables qui seront donné à des associations de solidarité à destination de populations fragilisées.

L’idée principale de cette démarche d’économie circulaire est que chaque vêtement neuf qui sera vendu soit conçu de telle sorte à devenir, en fin de vie, la matière première d’un nouveau produit.

Produire, concevoir et consommer à l’échelle locale permet l’émergence et la consolidation d’une filière de la mode engagée qui replace le sens au centre de son économie. Alors que les initiatives se multiplient, la filière se mobilise afin de rechercher les innovations et les nouveaux business models pouvant modifier en profondeur la façon dont nous produisons et consommons la mode.