3 questions à Malika Kessous, Responsable du pôle achats responsables à la DAE

Rattachée au Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, la Direction des Achats de l’Etat (DAE) définit la politique des achats de l’État et s’assure de sa mise en œuvre, tout en respectant les objectifs environnementaux établis et en favorisant l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi ou en situation de handicap. Tour d’horizon de la politique d’achats responsables de la DAE avec Malika Kessous, Responsable du pôle achats responsables au sein de la DAE.

1) Comment la commande publique peut-elle être un levier majeur pour la relance économique ? Et comment peut-elle bénéficier aux entreprises locales et à celles de l’ESS ?

Les principes fondamentaux de la commande publique interdit tout « localisme » ou toute préférence géographique tout au long de la procédure d’achat. Les marchés sont attribués aux offres économiquement les plus avantageuses étant entendu que les règles de la commande publique invitent expressément l’acheteur à prendre en compte, dans une approche de cycle de vie, des considérations sociales et environnementales, depuis la définition du besoin jusqu’à la détermination de critère d’attribution.

Pour autant, la commande publique est un levier mobilisable dans le cadre de stratégies de développement économique ; l’allotissement, principe fondamental en matière d’achat public, permet ainsi de développer l’accès des PME/TPE à la commande publique (cf chiffres en 2019 plus bas).

D’autres possibilités sont utilement offertes aux entreprises : la co-traitance, les groupements momentanés d’entreprises, la sous-traitance. (La bourse à la cotraitance, un service pour aider les entreprises | economie.gouv.fr).

Les structures de l’ESS peuvent également recourir à la co-traitance, soit en se groupant entre elles pour répondre à un marché public soit en s’associant à des opérateurs économiques conventionnels, par exemple pour l’exécution des obligations d’insertion.Les marchés publics sont ainsi accessibles aux structures de l’ESS :

  • soit directement par le biais de la réservation de marchés ou de l’allotissement suffisamment fin pour leur permettre de soumissionner au même titre que des entreprises conventionnelles (seules ou en groupement) ;
  • soit par l’intégration dans le marché de clauses d’insertion par l’activité économique dont l’exécution les mobilise (et donc leur apporte de l’activité).

Enfin, les achats responsables peuvent être mobilisés pour  distinguer les offres les « mieux-disantes » en matière sociale et/ou environnementale. Ce levier est efficace à la double condition :

  • que l’offre soit au rendez-vous et que les entreprises s’engagent à proposer des niveaux de performance sociale et/ou environnementale susceptibles de les distinguer des autres offres ;
  • que l’acheteur dimensionne un critère d’attribution suffisamment discriminant dans la notation de l’offre afin de distinguer les meilleures pratiques ; les recommandations de la DAE pour les achats de l’Etat et de ses EP est d’inscrire une pondération à un minimum de 10% de la note totale d’attribution du marché et de combiner le critère à une obligation du marché (clause d’exécution et/ou spécification technique ou fonctionnelle).

2) Comment l’Etat, via la DAE, met en œuvre sa politique d’achats responsables ? Y a-t-il des spécificités dans ce rôle de coordination de l’ensemble des achats de l’Etat et donc de plusieurs ministères aux pratiques diverses ? Comment y répond le pôle achats responsables de la DAE pour diffuser les outils et bonnes pratiques d’achats solidaires et responsables ?

La Direction des achats de l’Etat est une direction interministérielle en charge de la définition, de la mise en oeuvre, du suivi et du pilotage de la politique d’achat de l’Etat et de ses établissements publics. La démarche, conduite dans une dynamique collaborative interministérielle, est articulée autour de 5 axes de performance :

  • La performance économique (le gain achat) ;
  • L’accès des PME à la commande publique ;
  • L’achat d’innovation ;
  • La performance environnementale ;
  • La performance sociale.

La politique d’achat responsable de l’Etat et de ses EP est une démarche interministérielle animée par le pôle achats responsables de la DAE ; elle s’appuie sur un réseau de référents ministériels achats responsables (11 référents) et est déclinée en région par les plateformes régionales des achats de l’Etat.

Les missions du pôle achats responsables sont de :

  • Définir les orientations : typologie des considérations sociales et environnementales mobilisées au titre des achats responsables en appui aux politiques publiques dans les domaines environnemental et social ; identifier toute nouvelle considération en valorisation des politiques publiques concernées ;
  • Définir les objectifs et les indicateurs –quantitatifs et qualitatifs- de suivi (en cohérence avec les objectifs nationaux du PNAAPD), mesurer les résultats et les partager ;
  • Intégrer de manière opérationnelle dans les stratégies d’achat et les marchés interministériels pilotés par la DAE les considérations sociales et environnementales ;
  • Développer la professionnalisation des acheteurs et les partages de bonnes pratiques : formation des acheteurs de l’Etat aux achats responsables (collaboration avec l’IGPDE, centre de formation du MEFR), journée annuelle d’échanges de pratiques sur les achats responsables, matinales, conférences, rédaction d’outils d’aide aux acheteurs (guides, fiches pratiques. En propre ou en collaboration avec d’autres ministères), animation de communautés « Achats responsables » sur le réseau social professionnel des acheteurs de l’Etat, etc…
  • Conseiller et appuyer les acheteurs, veille d’information ;
  • Animer et faire vivre la gouvernance interministérielle ;
  • Représenter l’Etat acheteur responsable auprès de l’éco-système achat, au sein et en dehors de l’Etat;

3) Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un acheteur qui souhaite développer sa politique d’achats solidaires (ou se lancer dans les achats solidaires) ?

Je lui recommanderai de :

  • Identifier les enjeux les plus pertinents selon la famille d’achat concernée ;
  • Echanger avec les acteurs de l’ESS, caractériser le plus finement possible l’offre disponible et allotir finement le marché ;
  • S’appuyer, pour la clause sociale d’insertion, sur les facilitateurs de la clause ;
  • S’engager dans une démarche programmatique : anticiper la passation des marchés et analyser les besoins d’achat en cohérence avec les possibilités en matière d’achats solidaires : arbitrer entre marchés réservés et marchés porteurs d’un dispositif d’insertion par exemple.
  • Aborder systématiquement ces questions lors du sourcing auprès des opérateurs économiques conventionnels ; les sensibiliser et recueillir leurs appréciations.
  • Intégrer des considérations claires, mesurables (chiffrées), dimensionnées à la taille du marché et accessibles aux opérateurs économiques. Ne pas s’appuyer sur des clauses incitatives pour développer la qualité sociale de l’achat.
  • Conduire une veille d’information continue, échanger avec d’autres acheteurs et s’inspirer des bonnes pratiques.

4) Pouvez vous nous donner quelques chiffres clés :

  • Le montant global d’achat / an de l’Etat (en 2019) : 17,5 Mds € HT Etat. Source SI Achat de l’Etat. Périmètre : achats des ministères en administration centrale et en services déconcentrés, hors achats de Défense et de sécurité.
  • Le montant des achats solidaires / an : suivi en % du nombre de marchés (non en volume financier) : 7,2% des marchés notifiés supérieurs à 25.000€ en 2019 (en nombre de marchés comportant une considération sociale – hors marchés attribués aux acteurs de l’ESS). Source SI Achat de l’Etat. Périmètre : achats des ministères en administration centrale et en services déconcentrés, hors achats de Défense et de sécurité.
  • Le montant des achats dédié aux TPE/PME : 4 560 278 821 M€ HT, soit 30,1% du montant des achats de l’Etat (2019). Source : SI Achat de l’Etat et données de la Direction générale des entreprises. Périmètre : achats des ministères en administration centrale et en services déconcentrés, hors achats de Défense et de sécurité.