Visite de la Maison des Canaux : le mémo
Au bord du canal de l’Ourcq, à deux pas du bassin de la Villette, se dresse une bâtisse singulière. Sa façade en pierre blanche, sa terrasse végétalisée et ses allures industrielles rappellent le Paris d’autrefois, celui de la navigation fluviale et des entrepôts. Mais derrière ces murs se joue aujourd’hui une tout autre histoire : celle d’un chantier exemplaire où réemploi, créativité et inclusion sociale se conjuguent pour inventer les bâtiments de demain.
Bienvenue à la Maison des Canaux, vitrine internationale de l’économie circulaire et solidaire !
De l’administration fluviale à la Maison des économies solidaires et innovantes
Construit en 1882, le bâtiment servait autrefois de siège au service de la Ville de Paris dédié à l’administration des canaux parisiens. Resté inoccupé pendant huit ans après le départ des services municipaux, la rénovation du bâtiment a été initiée par la Ville de Paris en 2017 avec une mission ambitieuse : démontrer qu’il est possible de rénover et d’aménager un lieu de manière exemplaire, sans compromis sur la qualité esthétique ou technique.
Quatre grands principes ont guidé le projet :
- La circularité, en visant 100% de matériaux réemployés, biosourcés réinventés ou comprenant un minimum de 10% de matière recyclée.
- La solidarité, en menant les travaux avec des entreprises d’insertion et en rendant ce bâtiment le plus accessible possible, à tous les handicaps ;
- L’innovation, de par les démarches expérimentales (low tech, utilisation de techniques ancestrales, recherche-action…) mises en œuvre sur le chantier et les matériaux utilisés ;
- La pédagogie, en formant des professionnels de la Ville de Paris, des ouvriers en insertion, des étudiants et des bénévoles à des techniques d’économie circulaire et en diffusant les solutions mises en place sur ce chantier (création d’un MOOC, de formations certifiantes et de visites pédagogiques).
Ces engagements ont porté leurs fruits : 88% des matériaux ont été réemployés et 65% du montant du marché a bénéficié à des structures d’insertion.
Deux phases ont marqué cette transformation : la première, achevée en 2018, a fait des étages un démonstrateur d’aménagement circulaire primé par le Territoria de Bronze. La seconde, portée par la coopérative Grand Huit dans une démarche innovante de conception-réalisation et avec un groupement d’entreprises experte de l’économie circulaire et ou de l’insertion pour réfléchir et mener la rénovation et ses ouvrages. Ensemble ils ont réinventé le rez-de-chaussée et la terrasse, rendant l’ensemble modulable, accessible et économe en énergie.
L’extérieur : un manifeste du réemploi à ciel ouvert
Dès l’entrée, la terrasse donne le ton. Le platelage, signé Atelier R-are, est un patchwork d’anciennes portes de logements sociaux sur lesquelles les anciens usages (charnières, emplacements de serrures) deviennent des détails esthétiques et fonctionnels : les fentes des planches servent à l’évacuation de l’eau de pluie et d’anti-dérapant. A côté, le treillage en bois, réalisé par À Travers Fil et Atelier R-are à partir d’anciens châssis de fenêtre, invite la végétation à grimper et à rafraîchir la terrasse.
Tout autour une structure métallique installée par Général Métal déploie huit tonnes d’acier de réemploi, issue d’un chantier de déconstruction de Sequano et Est Ensemble à Bondy. Le mur, les escaliers et les jardinières en pierre sèche ont été conçus par ELIPS. L’entreprise a assuré la formation des ouvriers en insertion de Travail & Vie, leur permettant de réaliser en autonomie la seconde phase du chantier.
Ces ouvrages, montés à la main sans ciment ni béton, illustrent la transmission de savoir-faire ancestral permettant d’utiliser de la pierre de réemploi et de redonner vie à ce matériau précieux.
Un intérieur modulable
À l’intérieur de la Maison, tout est pensé pour faire évoluer l’espace au gré des usages : réunions, expositions, marchés…
Le plateau événementiel joue la carte de la modularité et de l’expérimentation. Les murs en lattis-bois, montés par APIJ BAT, redonnent vie à une technique traditionnelle d’enduit au plâtre sur latte. Ici, pas de plaques de plâtre lourdes ni de peinture polluante : un enduit brossé naturel, respirant, isolé par du coton-wool, alternative à la laine de verre constituée à 60% de vieux jeans recyclés. Les cloisons amovibles signées Emmaüs Défi – Les Résilientes en tissu réemployé, montées sur un ingénieux système mécanique conçu par Général Métal, permettent de reconfigurer l’espace sans électricité.
Les autres pièces du rez-de-chaussée ne font pas exception, partout l’économie circulaire raconte une histoire :
- Pour accéder à la salle du monte charge, on descend des marches en granito récupéré d’un chantier de Seine Saint-Denis Habitat à la Cité Gagarine de Romainville
- Le sol de la cuisine est composé de dalles de béton, découpées dans des poteaux par Bégo_réemploi, et récupérées sur le chantier du Grand Paris Express
Les suspensions Cornichon Studio ont été imprimées en 3D à partir de déchets agroalimentaires biosourcés.
Les étages : le design circulaire en action
Aux étages, les matériaux et les ouvrages renforcent le lien entre design et circularité.
Au premier étage, dans la salle d’attente, si vous levez les yeux vous pourrez contempler la fissure florale de l’artiste William Amor : un bouquet mural sculpté dans des sacs plastiques et filets de pêche ramassés sur les plages landaises, sous les anciens néons réinventés par Maximum.
Pour aménager l’espace, les Récréateurs d’Emmaüs ont également conçu des meubles à partir de lattes de lit et de pièces de bois récupérées, offrant au mobilier de bureau une esthétique sobre et colorée.
En empruntant le couloir, vous arriverez jusqu’à la grande salle, dans laquelle la Collecterie de Montreuil a retapissé d’anciennes chaises avec des tissus issus de bouteilles en plastique, tandis que l’Atelier Extramuros a façonné une grande table modulable incrustée de bois de noyer provenant des anciennes portes de placard du lieu. Sur les murs, les Résilientes ont réalisé une tapisserie en moquette, issue d’un savoir-faire traditionnel remis au goût du jour, qui a donné lieu à une formation certifiante et constitue un bel exemple de réemploi de moquettes événementielles.
Au dernier étage, les matériaux recyclés upcyclés sont utilisés pour le mobilier de la salle de convivialité : banquettes à partir de barrières de sécurité (Maximum), poufs en toiles de montgolfières (La Tête dans les Nuages) et tables en fer à béton (Initiatives Solidaires).
Chaque objet montre qu’il est possible de concevoir un mobilier esthétique et solide à partir de matériaux déclassés.
Un espace de pédagogie et d’ouverture
La Maison des Canaux est un lieu de partage et d’apprentissage. Elle propose des visites guidées, événements et formations pour le grand public, les professionnels et les institutions. Les visiteurs découvrent les savoir-faire de l’économie circulaire et rencontrent les personnes qui les mettent en œuvre. Chaque visite est immersive et interactive : vous pourrez observer, toucher, poser des questions et comprendre l’histoire des matériaux réemployés.
Du sol à la toiture, la Maison est une œuvre collective, où se mêlent plus d’une vingtaine de structures : Général Métal, Atelier R-are, ELIPS, Extramuros, Les Résilientes, Maximum, Bégo_réemploi, À Travers Fil, La Tête dans les Nuages, Initiatives Solidaires, Junior Fritz Jacquet, William Amor, et bien d’autres. Chacune y a laissé sa marque et son savoir-faire.
C’est un lieu qui se veut vivant, évolutif et inspirant. Chaque jour, elle accueille formations, ateliers, rencontres et événements, pour que les pratiques vertueuses expérimentées ici essaiment ailleurs…
Les adresses à retenir :
Maîtrise d’oeuvre : Ville de Paris – Direction du Logement et de l’Habitat
Maîtrise d’ouvrage : Coopérative Grand Huit
Design & artisanat :
Cornichon Studio – Studio de design valorisant les déchets industriels
Junior Fritz Jacquet – Artiste origamiste spécialisé dans la fabrication de luminaire à partir de déchet industriel
La Tête dans les Nuages – Fabricant de poufs en upcycling
Laurentine Perilhou : Artiste macramiste
Premices & Co – Agence de design et d’architecture d’intérieur
Stu-dio (devenu MOLD) – Manufacture d’objets en économie circulaire
William Amor – Ennoblisseur de matière délaissée et polluante – artiste plasticien créateur d’objet d’art floral
Mobilier & aménagement :
Adopte un bureau – Plateforme de revente de mobilier en réemploi
Au bonheur des chutes : association de menuiserie valorisant les déchets bois
Atelier Extramuros – Atelier de menuiserie spécialisé en upcycling et proposant des parcours d’insertion
Atelier R-are – Association œuvrant pour la réutilisation des déchets bois du bâtiment
Bilum – Maison de création de maroquinerie en upcyling
Collecterie de Montreuil – Recyclerie et chantier d’insertion, ameublement, agencement et upcycling de mobilier
Emmaüs Défi les Résilientes – Studio d’insertion au métier de la tapisserie et du design en upcycling
Les Récréateurs d’Emmaüs – Chantier d’insertion aux métiers de la couture et de l’upcycling
Maximum – Fabricant de mobilier recyclé design à partir de déchet industriel
Réavie – Plateforme de réemploi
Selency – Plateforme de vente de mobilier et décoration vintage de seconde main
Tizu : fabricant de mobilier upcyclé
Construction / gros oeuvre / second oeuvre :
Atelier R-are – Association œuvrant pour la réutilisation des déchets bois du bâtiment
À Travers Fil – Menuiserie associative
Bego Réemploi – Réemploi de béton
Bellastock – Coopérative engagée depuis plus de 10 ans dans la transition écologique et sociale appliquée aux secteurs de l’architecture, de la construction et de l’aménagement
Duarte construction : gros oeuvre et démolition
Ege carpets – Revêtements de sol en économie circulaire
ELIPS (École Locale et Itinérante de la Pierre-sèche) – Association de formation de professionnels aux métiers de la pierre sèche et de la calade
Général Métal Réédition– Atelier de metallerie spécialisé en réemploi
SME : électricité
Switch : Coopérative et bureau d’études impliqué dans la conception de bâtiments à faible impact environnemental
Travail et Vie – Chantier d’insertion, métiers du bâtiment, de la jardinerie et de la blanchisserie