« Agriculture urbaine » n’est plus un oxymore
Aujourd’hui, 50 % de l’humanité habite en ville. Alors que celles-ci étaient autrefois entourées de ceintures maraîchères et de champs, ces derniers ont disparu au cours du XXe siècle, créant une fracture entre ville et agriculture. Cette dernière fait pourtant aujourd’hui son grand retour dans les villes: l’agriculture urbaine ne doit plus être qu’une utopie ! Elle se veut au contraire comme une solution à de nombreuses interrogations, tant alimentaires qu’écologiques.
L’agriculture urbaine se développe sous différentes formes, de parcelles partagées aux cultures dans des conteneurs, en passant par des plans verticaux aménagés. Peu importe sa forme, elle s’établit en ville ou en périphérie proche, avec une production majoritairement destinée à la ville.
La renaissance de ce mode d’agriculture répond à de nouvelles revendications citadines. Elle fait maintenant partie intégrante de la planification stratégique des villes qui lui confèrent de plus en plus d’importance. L’agriculture urbaine devient alors un véritable laboratoire de recherche: elle donne l’opportunité de tester de nouvelles méthodes de production, qui se passent souvent d’intrants chimiques, pour ensuite les établir à l’échelle du champs, en dehors de la ville.
Vers l’autosuffisance ?
Selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), les jardins potagers peuvent être jusqu’à 15 fois plus productifs que les exploitations des zones rurales. Une superficie d’un mètre carré peut fournir 20 kg de nourriture par an.
Si l’agriculture urbaine n’a pas vocation à fournir une autonomie alimentaire totale, elle peut néanmoins fournir une aisance alimentaire considérable. L’agriculture urbaine et périurbaine procure de la nourriture au quart de la population urbaine mondiale, et ce chiffre devrait augmenter. Ce n’est donc pas une lubie de quelques citoyens mais bien une réponse aux besoins actuels.
D’ailleurs, les périodes de crises rappellent la valeur de l’agriculture urbaine. Ce fut le cas des Jardins de la victoire, promulgués comme acte patriotique durant la Première Guerre mondiale pour lutter contre la pénurie alimentaire.
Un frein demeure à l’expansion de l’agriculture urbaine : celui du manque de débouchés économiques. Pour l’instant, un modèle économique viable basé uniquement sur le maraîchage n’est pas envisageable, car soit les espaces de récoltes ne sont pas assez grands, soit les investissements ont été trop conséquents pour être rentabilisés sur le moyen terme. C’est pour l’instant un marché de niche, dont peu d’acteurs arrivent à vivre. Malgré cet obstacle, l’agriculture urbaine démontre de nombreux avantages qui excèdent la seule sphère économique.
Un moyen de sensibiliser
Toutes les fermes urbaines n’ont pas la même vocation. Certaines ambitionnent de fournir à terme une autonomie alimentaire, quand d’autres recherchent en priorité la sensibilisation du grand public.
A Paris, Nature Urbaine, la plus grande ferme urbaine d’Europe sur toit, recherche avant tout à faire connaître cette pratique. Perchés sur les toits du parc des expositions, les 14 000 m² de surface cultivables sont partagés entre deux types de cultures, hydroponie et aéroponie. Il s’agit là d’une approche high-tech où l’innovation est au coeur du projet.
D’autres fermes urbaines, telles que celle des Incroyables comestibles, misent plutôt sur une approche low-tech, c’est-à-dire qui basé sur la « débrouille » et la dimension participative. Ces fermes urbaines sont l’opportunité d’expérimenter autant de types d’agricultures que possible.
Pour aller plus loin, la ville de Paris a référencé toutes les grandes initiatives d’agricultures urbaines. De nombreuses autres initiatives se retrouvent à l’échelle de la France entière.
Des bénéfices multiples à l’échelle de la ville
Les potagers urbains apportent un lot d’externalités positives à l’échelle de la ville. L’agriculture urbaine permet :
D’assurer une certaine autonomie alimentaire
D’abord à l’échelle individuelle, puisque posséder son potager signifie manger ses propres légumes, et ensuite à l’échelle de la ville, ce qui peut se révéler fort utile en cas de crise alimentaire.
De juguler la pollution
Les plants permettent d’adsorber une partie du C02 contenu dans l’air grâce au phénomène de photosynthèse, mais aussi d’éviter d’en produire puisque les légumes n’auront pas de grandes distances à parcourir pour finir dans les assiettes.
De combattre les îlots de chaleur
Une végétation urbaine permet de réduire les concentrations de chaleur via le phénomène d’évapotranspiration, véritable climatiseur naturel. A Paris, du parc des Buttes Chaumont à la gare de l’Est, espace fortement bétonné, l’écart de température peut atteindre les 5 degrés.
De créer du lien social
L’agriculture urbaine est aussi un fantastique créateur de tissu social. L’implication dans la culture des potagers recrée une communauté de voisins qui se rencontrent autour d’un lieu partagé. L’agriculture est une langue universelle capable de tisser des liens sociaux dans nos villes où les rapports de voisinages sont de plus en plus distants.
De favoriser les circuits courts
Les récoltes sont produites et vendues localement. Les emplois liés à ce secteur ne sont pas délocalisables, ils peuvent même favoriser la réinsertion. Tout le monde y gagne, à commencer par les maraîchers eux-mêmes: de ces interactions peut naître une meilleure compréhension du monde agricole et de ses enjeux.
De réintroduire de la biodiversité en ville
En tout, les toits et façades végétalisés de la région parisienne ont permis le développement de 268 espèces de plantes et de 303 espèces d’invertébrés. Un simple potager urbain de quelques dizaines de m² peut faire revenir en villes des dizaines d’espèces d’insectes ou d’oiseaux.
L’agriculture urbaine peut donc devenir un levier pour reconcevoir la ville, et reconnecter le monde urbain et le monde rural. Il n’existe pas une seule agriculture urbaine, mais plusieurs, et chaque acteur peut la pratiquer différemment. La graine de la transition est plantée, à nous de l’arroser.